Publié le 15 novembre 2023
Librairie Henrion (Verviers) : Une success story familiale
Myron & Didier Henrion
Depuis 1988, la librairie Henrion s’est solidement ancrée comme une institution incontournable de la région. Au cours de ces décennies, ce point de vente a suivi une trajectoire d’évolution constante, se réinventant pour devenir un pilier du secteur. Dans cette plongée dans l’histoire de la librairie Henrion, nous découvrirons comment elle est devenue bien plus qu’un simple lieu de vente de presse, mais une véritable réinvention de la profession.
Une évolution avec son temps
Didier : À l’époque de mes grands-parents, le magasin portait le nom de « Librairie Boumal ». Ils avaient fait le choix de faire un tout petit magasin, tout en longueur. Une librairie bien à l’ancienne. À côté, il y avait un magasin de chaussures. Lorsque ce dernier a fermé, nous avons décidé de le racheter. Pendant ce temps-là, l’ancienne librairie était devenue une sandwicherie. Quand cette dernière a fait faillite, nous avons décidé de tout reprendre pour en faire une grande librairie-boulangerie de plus de 120m2.
Des compétences toujours plus étoffées
Myron : mon père est libraire depuis toujours. Personnellement, je m ’étais lancé dans des études dans l’immobilier. Ce n’était pas vraiment pour moi. Je me suis alors dirigé vers la boulangerie. J’ai réalisé mes études et j’ai été me former chez un boulanger d’expérience de la région. C’est là que j’ai réellement appris le métier.
Didier : Lors du premier agrandissement de la librairie, nous avons décidé de faire un comptoir de 8 mètres comprenant 4 mètres de presse et 4 mètres de boulangerie. Après 1 an et demi, nous avons décidé de faire de la glace. Myron : Pour ce faire, je suis parti me former à Bologne, en Italie. J’ai appris toutes les bases pour faire de délicieuses glaces à l’italienne. Se former avec les meilleurs est très important. Qui de mieux que les Italiens pour apprendre à faire de la glace ? Nous avons choisi de faire 14 goûts. Nous préférons nous limiter et avoir des goûts qui se vendent bien plutôt que d’avoir une pléiade de goûts qui ne tournent pas suffisamment.
La majeure partie de nos produits est évidemment faite maison ! La seule partie que nous ne produisons pas est la partie pain et ses dérivés. Ils sont évidemment frais et viennent d’une boulangerie locale chaque matin. Pour le reste, on produit toute la journée tant que Myron est présent au point de vente. Grâce à ça, il y a toujours de l’assortiment. Avec le fonctionnement traditionnel du boulanger, l’agencement de la journée aurait été très compliqué. Il aurait du travailler toute la nuit pour avoir un apport de produits constants dans la partie boulangerie. On ne voulait absolument pas de ça. Que ça soit au niveau privé ou professionnel, ce n’est pas une situation appropriée. Et puis, si j’arrête, plus personne n’allait s’occuper du magasin en journée.
Myron : Pour palier à ce problème, nous avons mis un système en place où l’ensemble des produits est fait sur place en continu. Cela nous permet de commencer à 5h du matin et surtout de, moi, pouvoir travailler dans le magasin en cas de besoin.
Une clientèle renouvelée pour plus de valeur ajoutée
Didier : En tant qu’indépendant, proposer de nouveaux produits est quelque chose d’important. Non seulement, cela ajoute une belle valeur ajoutée à son commerce. Et d’un autre côté, cela draine une nouvelle clientèle. Dans notre cas, ce sont les étudiants. En tant que ‘vieux’ libraire, je me pose la question de : « une libraire-presse classique a-t-elle encore de l’avenir ? » de mon point de vue, il faut déjà avoir un gros magasin pour vivre ou travailler seul. Payer du personnel est un point qui devient trop difficile si on se base uniquement sur les marges du tabac ou des cartes de téléphonie, par exemple. Il faut des produits avec de belles valeurs ajoutées et évidemment de belles marges.
Myron : Ici, le côté librairie fonctionne bien. Le vrai plus de notre librairie-boulangerie est évidemment le fait que tous les produits se mélangent. Le matin, les gens viennent chercher leur presse et sortent rarement sans leur croissant ou leur pain. C’est vraiment très important pour nous.
Didier : Après les inondations, nous n’arrivions pas à louer un petit espace de 19m2 juste à côté de la librairie. Nous nous sommes dit que c’était une bonne occasion d’agrandir le point de vente. Pour rester dans le culinaire, nous avons décidé d’en faire un bar à pâtes avec une fenêtre qui donne accès directement sur la rue. Grâce à ça, nous avons une toute nouvelle clientèle qui s’est créée.
Myron : Pour les sauces, j’ai décidé d’en goûter de fournisseurs différents. N’ayant pas trouvé mon bonheur parmi les industrielles, j’ai décidé de les cuisiner moi-même. Le bar à pâtes est ouvert depuis août 2022. La partie conséquente est évidemment la préparation. Préparer toutes les sauces c’est évidemment du boulot mais c’est la partie que je préfère. Certaines comme la bolognaise peuvent évidemment mijoter toutes seules et donc faciliter la préparation. De l’autre côté, il faut ouvrir une demi-heure avant, nettoyer pendant 1 heure lorsque cette partie ferme et surtout accueillir le client jusque 14h30.
Une histoire d’entrepreneurs passionnés de génération en génération
Didier : Le commerce c’est ma passion. Je n’ai pas que ce point de vente. Je fais également de l’immobilier. Malgré cela, cette librairie porte une place importante dans mon cœur, c’est mon bébé. Je suis présent tous les jours jusque midi au minimum. Nous sommes 6 à travailler ici : 3 personnes à temps plein, 2 stagiaires, 1 apprentie et 1 aide pour le samedi après-midi. Nous faisons plus au moins 600 clients par jour. C’est triste à dire pour la ville de Verviers mais, il y a plus de monde à la librairie que sur tout le reste de la place Verte…
Myron : Travailler entre père et fils, cela peut être tendu par moments. Nous sommes fort différents. Quand mon père rentre à la maison, après le souper, il continue de parler du magasin. Personnellement, je préfère travailler beaucoup ici. Après la journée, je coupe ce lien pour me concentrer sur tout autre chose. Par exemple, c’est la première année, lors de la semaine du 21 juillet au 15 août, que nous avons fermé la boulangerie. Chez nous, ce sont les semaines les plus calmes. Grâce à ça, j’ai pu prendre des congés. Les gens comprennent évidemment bien la situation.
Au niveau du travail, pour varier les tâches quotidiennes, je fais un jour les pâtes et un jour la glace. J’ai la chance d’avoir de magnifiques ateliers où il est, évidemment, très plaisant de travailler. Nous n’avons jamais lésiné sur le matériel. Pour simple exemple, nous avons 15 fers à gaufres ! Nous préférons vraiment investir dans du très bon matériel pour nous faciliter la vie au quotidien. Pour changer des pâtisseries quotidiennes, je réalise également des gâteaux personnalisés sur commande. Cela reste très rare parce que ce qui se vend le mieux ce sont les petites pâtisseries à emporter.
La presse dans tout ça
Didier : Au niveau de la presse, nous avons toujours un très beau rayon. Nous avons plus de 1.000 titres dans la librairie. Personnellement, depuis que j’exerce ce métier, j’ai toujours bien aimé avoir des titres que les autres n’ont pas. C’est une très bonne manière de se différencier, d’une part, des autres librairies de la région, d’autre part, des grandes surfaces qui proposent également un rayon presse mais souvent avec de la presse plus grand public.
Myron : Il n’y a rien à faire, le métier de libraire amène beaucoup d’inconvénients : de gros horaires, les complexité en cas de maladie, le salaire réduit et j’en passe. Ici, c’est mon père qui s’occupe de toute la partie administrative quotidienne. Pour les aspects financiers nous avons évidemment un comptable.
Le futur de la librairie
Didier : Nous n’avons pas de projets dans l’immédiat. Le bar à pâtes est seulement ouvert depuis une bonne année. Qui sait, peut-être qu’un jour nous vendrons des pizzas pour rester dans le côté italien. Mais ce n’est clairement pas au programme actuel. Dans le passé j’ai essayé d’avoir un 2ème point de vente. Je ne le ferai plus. C’est très difficile de trouver du personnel, surtout qualifié. Enfin, le point primordial, pour moi, pour la réussite d’un commerce, c’est d’être présent dans son point de vente. Créer un lien avec la clientèle, c’est la clé pour perdurer.